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5.6- Economie - Page 17

  • [@pointsdevente]- Face à la crise, quelle posture pour les marques de luxe françaises ? [@adetem @luxurysociety]

    Quelle est la meilleure attitude à adopter pour les marques luxe françaises ?

    Propos recueillis par Cécile Buffard

    [Philippe Jourdan]. Elles possèdent de solides atouts. On ne construit pas une marque de luxe en quelques années. Les acteurs mythiques ont construit leur image, leur activité, leur savoir-faire et leur position sur un temps long. Après, ce n'est pas parce qu'on dispose d'un temps long qu'on ne peut pas le bousculer.

    Oui, il y a une élégance à la française, une vision de la femme française qui plaît avec une vraie tradition de savoir-faire. Ce qui est compliqué, c'est que nous ne sommes pas les seuls acteurs. Je crois beaucoup aux marques italiennes même si on a longtemps cru que l'Italie resterait l'atelier de nos marques de mode.

    De la même façon, il existe aux États-Unis de très nombreuses marques de luxe dont certaines ne servent que les clientèles américaine et anglosaxonne et qui sont de vraies concurrentes aux marques françaises. D'une façon générale, on ne développe pas de la même façon un secteur qui affiche 1 % de croissance au lieu de 5 %. Mais si le marché est compliqué, je ne crois pas à la mort du luxe. Ce n'est pas pour rien que dans toutes les civilisations, on a consacré autant de dépenses, d'énergie, et de ressources dans l'économie du luxe. Quel que soit le contexte, le luxe est intemporel. 

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  • [@pointsdevente]- Faut-il céder à la tentation du #masstige ? [@adetem @luxurysociety][Philippe Jourdan]. Si l'idée est de substituer au prestige le masstige parce que le ralentissement de l'économie oblige les actionnaires à maintenir ou à aller chercher

    Faut-il céder à la tentation du masstige, à mi-chemin entre mass market et prestige?

    Propos recueillis par Cécile Buffard pour Points de Vente

    [Philippe Jourdan]. Si l'idée est de substituer au prestige le masstige parce que le ralentissement de l'économie oblige les actionnaires à maintenir ou à aller chercher des volumes dans une confusion des genres, je réponds non. En revanche, certaines marques du mass peuvent adopter temporairement les codes du luxe. C'est une stratégie qui plaît beaucoup aux jeunes clientes, adeptes du mix and match. Reste, toutefois, la question du futur. Quand, dans vingt ans, les Millennials auront grandi, préféreront-ils toujours le masstige au prestige? Il faut, également, démystifier la recette du masstige qui consiste à fabriquer des copies des modèles de la haute couture avec des matières premières et un savoir-faire de moindre qualité. Sur ce sujet, je serai plus sévère que Coco Chanel qui disait se moquer de la copie. Quand on s'approprie les codes d'une marque, dans le secteur de la santé on appelle ça un générique, dans la mode c'est une contrefaçon.

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  • [@pointsdevente]- Le #multicanal, une bonne stratégie pour les marques de luxe ? [@adetem @luxurysociety][Philippe Jourdan]. Oui, les frontières sont plus perméables. Nous avons eu deux grands modèles de développement des marques de luxe et c'est probable

    La diversité des canaux participe-t-elle de la démocratisation du luxe ?

    [Philippe Jourdan]. Oui, les frontières sont plus perméables. Nous avons eu deux grands modèles de développement des marques de luxe et c'est probablement un troisième qui est en train de révolutionner le marché. Après l'explosion des franchises et licences, en particulier aux États-Unis, les marques ont voulu retrouver la maîtrise de leur distribution et de leur image en ouvrant des flagships.

    Aujourd'hui, l'arrivée du digital rebat les cartes du marché. Les consommateurs ont accès immédiatement aux informations, photos, vidéos et surtout au prix des articles de luxe. Ce n'est plus tabou. Résultat, on observe dans les magasins des comportements très différents de ceux de la clientèle de luxe habituelle qui ne s'intéressait au prix qu'au moment de payer. Le consommateur 3.0 n'hésite pas à comparer les prix en magasin cassant, au passage les codes du luxe et ses usages. La fin de non-recevoir de LVMH à Amazon pose la question de la place des parts de marché dans l'écosystème du luxe...

    Devenir un acteur du luxe est compliqué pour Amazon. C'est un environnement qui a ses propres règles, une approche particulière et une théâtralisation de l'offre peu compatible avec le site américain. Cependant, ce qu'il risque d'arriver, c'est que les produits d'une marque soient vendus par les consommateurs eux-mêmes. Sur certaines collections, la rareté des pièces est telle que cela encourage la revente et aux États-Unis, des particuliers fortunés ont quasiment créé des boutiques sur Internet où ils revendent en permanence les anciennes collections. C'est toujours difficile pour l'image d'une marque lorsque l'amont lui échappe. Quand le luxe sort de ses boutiques écrins, le service qui accompagne la vente et l'usage, après l'achat, ne sont plus maîtrisés par la marque. Pour rester une marque de luxe, on doit maîtriser tous les éléments, à chaque étape de la vente. Les places de marché sont un vrai défi pour les marques, auquel elles n'ont pas encore de solution.

    Propos recueillis par Cécile Buffard

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  • [@pointsdevente] Se rendre plus accessibles, une bonne stratégie pour les #marques de #luxe ? [@adetem @luxurysociety]

    On voit, depuis quelques années, qu'un nombre croissant de marques de luxe déclinent des versions plus accessibles. Le shopping des hyper riches ne suffit-il plus ?

    [Philippe Jourdan]. Dès que la croissance ralentit, tout le monde cherche à se partager le même gâteau donc la meilleure façon de conserver cette même part, c'est de donner du gâteau à tout le monde ! Il y a des mouvements que l'on observe pour l'instant avec un manque de recul mais qui vont dans ce sens. Que ce soit à l'échelle de toute une collection, ou seulement pour quelques pièces, les marques de luxe s'ouvrent au grand public.

    Le phénomène des égéries est particulièrement parlant. En choisissant des ambassadrices qui ne sont plus dans l'environnement du luxe mais qui vont être des stars plus populaires et aussi plus éphémères, de plus en plus de marques prennent le risque de descendre de leur piédestal. À mon sens, elles n'y ont pas intérêt car elles doivent rester suffisamment intimidantes pour conserver leur aura de marque de luxe. C'est un secteur où le prix perçu doit toujours être plus élevé que le prix réel car l'exclusivité va créer le désir. La vraie marque de luxe est une marque qui impose son style. En baissant d'un ou plusieurs échelons sur l'échelle de la mode, on devient une marque tendance, plus une marque luxueuse.

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  • [@pointsdevente] Le retournement culturel de la #Chine vis-à-vis du #luxe | @luxurysociety @adetem

    Qu'est-ce qui explique ce retournement culturel ?

    [Philippe Jourdan]. Derrière le parti pris politique de lutter contre la corruption, il y a la crainte d'une vraie fracture sociale entre les classes. On se souvient des mouvements de grève à Hong Kong visant les riches Chinois qui viennent dépenser leur fortune dans la ville. Après une croissance fulgurante, les écarts entre les classes sociales sont un problème qui préoccupe le gouvernement de Xi Jinping. À cela, s'ajoute un contexte de repatriation. Quand on parle de la consommation chinoise de produits de luxe, on oublie souvent que 70% des achats réalisés par les Chinois le sont en dehors de la Chine. Ce marché reste très dépendant du tourisme et c'est ce qui en fait sa fragilité. Il n'y a qu'à voir le recul du nombre de touristes chinois en France depuis les attentats. Au lieu de 2,5 millions attendus, les commerçants devront se contenter d'1,6 million de touristes cette année. Et les choses ne vont pas s'arranger car, de plus en plus, le gouvernement chinois affiche sa volonté que la richesse soit dépensée en Chine et rapporte à l'économie du pays.

    Propos recueillis par Cécile Buffard

    [LIRE SUR LE MEME SUJET : "Le tournant Catonien de l'Empire du Milieu (...)]

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  • [@pointsdevente] Que cache le repli de l'horlogerie de #luxe ?| #montres @adetem @luxurysociety

    [Philippe Jourdan]. Deux facteurs importants sont à prendre en compte pour comprendre ce phénomène de repli. D'abord, il y a la lutte contre la corruption menée par le régime chinois actuel qui a engendré une focalisation sur ce type de biens de luxe possédés par l'élite chinoise. Ces objets ont été pointés du doigt car ils étaient susceptibles d'avoir été acquis à l'issue de corruption active. Les montres enregistrent des taux de recul de -10 % à 12 % depuis deux ou trois années consécutives. Cela devient inquiétant pour les groupes spécialisés où le poids de l'horlogerie est important. Ils vont devoir revoir leurs principes d'actions sur ces marchés.

    Ensuite, et ce qui est moins connu, c'est que cette lutte anti-corruption cache plus qu'un enjeu politique mais un vrai renversement culturel. Quand on relit les discours du président Xi Jinping, on s'aperçoit que derrière ce combat, le thème du retour aux valeurs de Confucius est récurrent. À savoir, renouer avec une certaine forme de sobriété. On ne condamne pas l'enrichissement mais celui-ci doit se développer dans une sphère privée, sans ostentation. Ce qui oblige les marques de luxe à réorienter leur offre, leur communication et leurs valeurs vers une sphère plus intime.

    Propos recueillis par Cécile Buffard

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