Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

[#LUXURYLAB] [BEAUTE] | On n'est jamais assez #narcissique | @ELLE

DE DOROTHEE WERNER | ELLE N°3760 | 12 JANVIER 

On est jamais assez #narcissique

Vous ne pensez qu'à vous, vous vous regardez trop ? Tant mieux ! Répond Fabrice Midal. Explications d'un philosophe iconoclaste.

C'est l'insulte suprême. Etre narcissique, s'aimer, se trouver canon, passer du temps à prendre soin de soi, se chérir et se chouchouter, c'est mal. L'attitude noble, valorisée entre toutes, l'altruisme, c'est bien. Surtout pour les filles nées, c'est bien connu, pour s'occuper des autres, se dévouer, se sacrifier, s'excuser de mal faire et baisser les yeux. On exagère ? A peine ! Et voilà qu'un psychologue met le doigt pile sur cette question loin d'être anecdotique. Déjà auteur de "Foutez-vous la paix ! et commencez à vivre" (best seller 2017 vendu à plus de 100 000 exemplaires), ce fin connaisseur de la philosophie antique, fou d'art et de poésie, lance un pavé dans la marre, un plaidoyer vibrant, iconoclaste et presque punk pour réhabiliter d'urgence l'amour de soi-même, "Sauvez votre peau ! devenez narcissique" (éd. Flammarion). Conférencier brillant, jamais avare en anecdotes personnelles, il explique comment, à force de nous dévouer aux autres, de nous suradapter aux sollicitations extérieurs toujours plus grandes et de répondre "présent" sur tous les fronts, nous nous sommes perdus de vue. Une errance, un genre d'exil de nous-même qui nous mène sur les rives de l'épuisement et du burn-out. Sauve qui peut ! Il y a urgence à devenir narcissique, voici pourquoi et comment.

Narcissique

Elle : On se trompe sur le narcissisme ?

Fabrice Midal : Oui, puisqu'on le considère comme une faute morale. Pourtant, de nos jours, nous souffrons d'un défaut de narcissisme majeur : on ne s'autorise plus à ressentir ce que l'on ressent, à penser ce que l'on pense, à être ce que l'on est. Partout je rencontre des gens qui acceptent d'être maltraités, et qui se maltraitent eux-mêmes, parfois jusqu'au burn-out. Combien aujourd'hui acceptent d'être pris pour des serpillières, de se laisser marcher sur les pieds en silence ? Au travail, c'est manifeste. Et du côté de la vie intime ou familiale, où règne le dogme du sacrifice, c'est la même chose. Cette pression pèse notamment sur les femmes, sommées d'être en permanence de bons petits soldats dans tous les domaines, tout le temps, et avec tout le monde.

Elle : Pourtant on entend partout que le lien social se défait sous le poids de l'hyper-individualisme ...

FM : Les analystes qui font ce constat doivent sortir de leur bureau et observer la réalité en face. Ils verront que les gens ne se regardent pas le nombril toute la journée. Au contraire, il se sacrifient pour leur travail, leu entreprise, leur famille, leur entourage. Et ils ne savent plus s'écouter. La mode des selfies en est la preuve : c'est une manière d'avoir besoin de la validation permanente des autres dans une image idéalisée de soi.

Elle : Le bon narcissisme c'est quoi ? 

FM : Oser faire confiance à ce qui nous habite. Se rencontrer. Sentir ce que l'on sent. Etre en paix avec soi, en acceptant ses émotions sans les juger et ses limites sans se sentir disqualifié. Arrêter de s'excuser toutes les cinq minutes. 

ELLE: Votre réflexion part de votre enfance vécue tel "un vilain petit canard" ?

FM : Je souffrais beaucoup car j'étais très maladroit, mal latéralisé et hypersensible. C'était extrêmement dur, je me sentais comme un martien. Pendant longtemps j'ai espéré trouver des parades pour devenir plus adapté. Plus je me martyrisais, moins j'arrivais à changer, et plus je me trouvais nul. Aujourd'hui j'accepte ce que je suis. J'essaie de travailler avec la situation, et c'est un soulagement de ne plus me mettre la pression en permanence avec l'idée qu'il faut être différent, devenir ceci ou cela ... Je suis hypersensible, j'ai 50 ans, c'est comme ça.

ELLE : En quoi est-ce narcissique ?

FM : Parce que je commence par écouter mes besoins et mes limites, au lieu de partir d'emblée avec l'idée que ce que je suis ne va pas. Cela change complètement la perspective. On peut ainsi tout faire une force de ses propres limites, au lieu de vouloir correspondre à) un idéal publicitaire inhumain, fabriqué et écrasant.

ELLE : C'est l'idée de renforcer l'estime de soi ?

FM : Non, cette mode de l'estime de soi me fait sortir de mes gonds. Je ne vais pas me sentir mieux en me répétant toute la journée "je suis génial" devant le miroir ! C'est absurde et cela ne marche pas. Le nombrilisme ne mène nulle part. La confiance, je vais la retrouver en me confrontant au réel, pour rencontrer ce qui m'habite, prendre conscience de ce que je sais faire ... Pas en m'identifiant à une espèce d'identité méta je-ne-sais-quoi soi-disant géniale et qu'il faudrait que j'aime !

[...]

 

Les commentaires sont fermés.