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"Le Luxe subit un profond changement de modèle" [#luxe #promiseconsulting @lopinion_fr]

 «Le luxe subit un profond changement de modèle»

Muriel Motte - 19 Septembre 2016 à 14h42

Interview parue dans l'Opinion. [EXTRAIT]

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Associé fondateur du groupe de conseil et d’études Promise Consulting, Philippe Jourdan décrypte la crise que traverse le secteur.

les faits - La baisse de la livre a fait flamber de 36 % les ventes de produits de luxe au Royaume-Uni le mois dernier. Les variations des taux de change ne sont pas le seul élément perturbateur pour les groupes du secteur : digitalisation, ralentissement de la demande chinoise, attentats, les défis s’enchaînent et provoquent parfois des accidents industriels. Spécialiste des marques, Philippe Jourdan anticipe une croissance annuelle de 2 % du marché des produits de luxe dans les prochaines années.

Quelle est la nature de la crise que traverse le secteur du luxe ?

Il s’agit d’un profond changement de modèle dont l’effet est amplifié par une conjoncture économique difficile. Jusqu’à la crise financière, le marché des biens de luxe était tiré par une forte demande à laquelle répondait l’offre des grandes maisons qui se voulaient exclusives, et qui contrôlaient les prix et la distribution via le rachat des licences et la création de boutiques en nom propre. Tout cela évolue très rapidement (...)

Cette crise est donc aussi imputable à la forte dépendance du luxe à la Chine ?

Les Etats-Unis restent dominants et représentent un tiers du marché mondial du luxe. Mais 70 % de la croissance de ce marché au cours des dix dernières années a été le fait de la Chine. Et ce sont les Chinois qui réalisent hors de chez eux l’essentiel (70 %) des achats de produits de luxe. Dès que la demande chinoise ralentit - c’est l’une des conséquences de la politique anticorruption et du ralentissement économique du pays entre autres - ou qu’une menace pèse sur le tourisme mondial, le luxe en ressent les effets. C’est le cas aujourd’hui. Les géants du secteur doivent être vigilants sur un autre point : Pékin aura tôt ou tard le souci de rapatrier en Chine continentale un marché qui lui échappe largement, car les taxes imposées sur les biens de luxe rapportent aux caisses de l’Etat. (...)

La mutation du consommateur depuis une dizaine d’années bouleverse aussi le marché…

Le profil des acheteurs se transforme. La croissance du marché ne dépend plus de ceux qui ont énormément d’argent, mais de ceux qui en gagnent de plus en plus. Ce n’est pas du tout la même clientèle. Les marques doivent s’adresser à de nouveaux profils, des consommateurs plus jeunes, plus cosmopolites, mieux éduqués en matière de luxe mais plus critiques (...) Il s’agit d’une mutation très profonde, qui génère beaucoup d’interrogations sur la stratégie à mener.

La stratégie digitale est-elle une source de différenciation entre les grands groupes mondiaux ?

Les grands groupes habitués à gérer la relation-client dans un circuit unique sont entrés avec retard dans le monde digital. C’est un secteur parfois conservateur qui a du mal à accepter de perdre le contrôle de la distribution, mais tous sont aujourd’hui très actifs. Un des premiers bouleversements est venu de la comparaison mondiale des prix par des clients connectés et globe-trotteurs. Face à cela, Chanel a annoncé l’an dernier sa volonté d’établir progressivement un meilleur équilibre des prix de ses produits dans les grandes zones géographiques, Chine, Europe, Etats-Unis. Tous y viendront sans doute mais c’est très complexe en raison des coûts d’approche et des taxes différents, sans oublier les variations de taux de change ! Le deuxième bouleversement, c’est l’apparition de « pure player » digitaux du luxe comme Yoox Net-A-Porter, dont le poids commence à peser. Sa logique de développement est de commercialiser à terme toutes les grandes marques, y compris celles de LVMH ou Kering. (...)

Le marché mondial du luxe croissait à deux chiffres au début du siècle, un taux tombé autour de 2 % aujourd’hui. Quelle est la « nouvelle normalité » pour les années à venir ?

La projection moyenne pour les prochaines années est de l’ordre de 2 % à taux de change constants, ce n’est pas si mal pour un marché qui pèse déjà 240 milliards d’euros. Nous sommes face à des consommateurs plus exigeants, des marchés plus mûrs, peut-être allons-nous commencer à faire du marketing et à revenir à des fondamentaux de la relation-client, de la qualité de l’offre et du service. Ouvrir une boutique bien placée dans une rue stratégique d’une ville chinoise ne suffit déjà plus. Il y aura davantage de discrimination, une prime à l’excellence, et le « pricing » sera déterminant.

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